JEAN LOMBARD : Galerie « L Sil écoute »
L éternelle jeunesse d un artiste constitue, aux yeux des amateurs, un sujet perpétuel d émerveillement. On admire, en Avignon, les derniers travaux de Picasso, on contemple à Biot, les ultimes réalisations de Fernand Léger, on contemple, un peu partout dans les musées, les Suvres réalisées par Bonnard à la fin de sa laborieuse vie, on prend infiniment de plaisir à regarder longuement, chez Janine Bressy, toujours sur la touche, après plus d un demi-siècle de labeur constant et acharné.
Vivant
une partie de l année à Valcros, la propriété
de famille située à quelques kilomètres d Aix en
Provence, Jean Lombard a pu, comme le Maître du chemin des LauXXX,
contempler les infinies colorations du clair-obscur.
Le
soleil méridional volatilise les couleurs trouvées seulement dans
l ombre fraîche si désirée. Ici, au sein d un
clair-obscur presque permanent, toutes les teintes de l arc-en-ciel
disparaissent en pleine lumière, laissant dans les ténèbres
la multiplicité des XX.
Aussi,
regardant attentivement le prétexte, en se souvenant des aquarelles de
Cézanne, Jean Lombard a abandonné les forts contrastes de
couleurs et les élans impétueux du geste.
Chez
Janine Bressy, le peintre d origine lyonnaise, mais vivant depuis
toujours ou presque dans la capitale, a accroché une toile de 1969.
C était l époque où, témoin de la
réalité implicite, d une vision réaliste XXX en
retrait au profit d une
sorte d abstraction lyrique, Jean Lombard, attaché malgré
tout à Cézanne, tentait comme l a si bien écrit
Jean-Jacques Lerrant, de débarrasser l impression ressentie pour
affirmer uniquement les structures violentes du monde sensible. « La
Grotte » est à ce point de vue exemplaire. De grands accents
violets-bruns guident la main lyrique du poète décidé
à affirmer la pérennité du monde au moyen d une
écriture solidement architecturée. Bientôt,
le « Beau fruit de la peinture » est cueilli par
Jean Lombard. Il suit, heure par heure, la course chromatique du soleil, ne se
souciant peu des préceptes de Cézanne : à savoir que
lorsque la couleur est XXX puissance, la forme atteint sa plénitude,
l hôte de Janine Bressy s en tient uniquement aux nuances,
aux éléments formels seulement murmurés.
C est
pourquoi, à nos yeux, l Suvre de Jean Lombard devient
désormais différente. Les affirmations gestuelles sont
abandonnées au profit d un langage allégé, fait
d inventions et de découvertes.
Le
ton local est abandonné. Les multiples variations dues à
l action de l astre roi sur les objets illuminent la toile. Mais ce
qui donne et charme à la fois dans les Suvres actuelles de Jean
Lombard, c est l accord absolu entre la fluidité chromatique
et la légèreté de l écriture.
« Le
portail vert » tient compte du phénomène lumineux. Celui-ci
métamorphose le prétexte. Les structures sont conservées,
la présence de la clôture se manifeste. Un des battants de la
porte ouverte laisse voir au-delà de sa barrière, la maison
pulvérisée par la lumière où l in admire la
variété des gris bleutés, des verts et des
tonalités noisette.
La
frontière entre l espace d ici et celui d ailleurs
constitue également un des soucis primordiaux du peintre. Aussi
s attache-t-il à exprimer l intimité d un
intérieur rendu encore plus douillet par la sollicitude de sa compagne.
« Le
tableau jaune » évoque, pour ceux qui ont eu le
privilège d être reçus rue Paul-Appel, à
Paris, à deux pas de la Cité universitaire et de l ancien
appartement de Sima, avec ses dominantes dorées, le lieu
privilégié et calme où Jean Lombard travaille au sein de
la sérénité et de la joie. Les couleurs, ici, comme chez
Gauguin, veulent « dire quelque chose », elles
désirent montrer comment l univers le plus intime peut devenir
monumental grâce à la vision de l Inspiré. Cette
découverte se retrouve dans toutes les toiles de Jean Lombard,
exécutées à partir de 1971. Dans les premières on
remarque encore le dessin très architecturé des choses,
très vite Jean Lombard s évade de ses certitudes pour
s attacher uniquement à des sortes de tonalités légères
et signifiantes, par lesquelles il affirme son optimisme et son
émerveillement devant le monde.
A
Nice, l artiste parisiano-lyonnais s écarte de Matisse et de
Dufy pour se montrer résolument personnel. La fenêtre
s ouvre sur le jardin où un arbre berce sa palme. Une arabesque
verte aux valeurs très soutenues désigne sans précision le
lointain entrevu à travers un rideau dont les courbes
légères sont tracées avec un trait sinueux rose
crevette-orangé.
La
liberté d expression est totale comme elle se montre encore plus
proche de l imaginaire dans l étonnant
« Rideau » de 73, grande toile où la fenêtre
violette semble protégée par un voile bleu violet, tandis que des
tonalités chaudes désignent les éléments
constitutifs de l intérieur cher au peintre.
En
effet, ce qui étonne dans la quête de Jean Lombard, c est
l alliance toujours sans heurt des oppositions chromatiques. Dans les
toiles de l artiste on passe des bruns aux violines sans que jamais la
moindre opposition intransigeante ne se manifeste.
On
est retenu par la nuance et on découvre tous les privilèges
d un art qui refuse de s aligner sur telle ou telle mode, pour
affirmer son existence et donner à croire au bonheur de vivre.
Le
Tout Lyon (Juin 1974)