JEAN LOMBARD
Cette rétrospective des Suvres,
réalisées entre 1920 et 1980 par ce peintre disparu en 1983
à l'âge de 88 ans, montre la grande diversité d'expression
d'un artiste à la nature sensible. A travers tout un éventail de
toiles, de gouaches, d'aquarelles ou de lavis, au trait linéaire et
à la grande hardiesse de tons, comme ce nu cubiste de couleur orange ou
cet autre nu rouge à la facture puissante, cet artiste fragile savait
exprimer toutes les variations de la lumière autour d'une
réalité transfigurée. D'autres Suvres, abstraites,
aux teintes pâles sont d'un beau lyrisme. Mais l'artiste, à la fin
de sa vie, est revenu, comme dans cette nature morte au coquetier, à une
figuration délicate qui s'exprime dans des tonalités pastel.
Galerie Etienne de Causans, 25, rue de Seine,
VIème.
En 1975 j'avais organisé un hommage à
Jean Lombard pour commémorer son quatre-vingtième anniversaire.
Depuis, l'artiste nous a quittés, mais son Suvre reste. On dirait
même qu'elle se magnifie avec le temps. Sortie du secret où elle
était tenue, elle fait l'objet d'une exposition rétrospective,
accompagnée par l'édition d'un fort beau livre.
Ses premières toiles, teintées
d'expressionnisme, ont vite fait place à une organisation très
architecturée de l'espace. Au lendemain de la guerre, cette même
préoccupation se retrouve d'ailleurs chez beaucoup d'autres peintres
appartenant sensiblement à la même génération. Cette
structuration colorée du paysage est assez typique de l'Ecole de Paris,
qu'il s'agisse d'Estève, de Manessier, de Bazaine, d'Ubac ou d'autres.
Mais il ne s'agit pas ici d'un jeu formel purement
plastique; l'observation de la nature reste la préoccupation constante
de l'artiste. Malgré une apparente non-figuration, parfois, le lien avec
le réel n'est jamais rompu, même si les reflets en taches
colorées comme des mirages envahissent la surface de la toile.
Car la lumière est bien la préoccupation
essentielle de ce peintre attentif au jeu changeant des clartés et des
ombres. Peu à peu, la palette s'éclaircit, la manière de
peindre se fait plus fluide, les formes se dissolvent, les teintes optent pour
des gammes de verts tendres, de gris éteints, de roses, d'ocres et de
bleus lavés. Une lueur perce par place, diffuse et tendre comme les
souvenirs heureux. Peinture allusive et contemplative, art de la
sérénité, du murmure et de la caresse, la peinture de Jean
Lombard, comme celle de son vieil ami Léon Zack, nous offre un
« complément d'âme ». A côté du tohu
bohu médiatico-artistique, il est des êtres du silence: Vuillard, Morandi,
Villon ou Szénès furent de ceux-là. Comme ses grands
devanciers, Lombard sut merveilleusement dire les lumières diffuses, le
frémissement des feuilles, le miroir d'une fenêtre, qui sont
autant de poèmes fervents et discrets à la beauté du
monde.
Paul DUCHEIN