JEAN LOMBARD

LA GAZETTE DES EXPOSITIONS  11 mai 1990

 

 

Cette rétrospective des Suvres, réalisées entre 1920 et 1980 par ce peintre disparu en 1983 à l'âge de 88 ans, montre la grande diversité d'expression d'un artiste à la nature sensible. A travers tout un éventail de toiles, de gouaches, d'aquarelles ou de lavis, au trait linéaire et à la grande hardiesse de tons, comme ce nu cubiste de couleur orange ou cet autre nu rouge à la facture puissante, cet artiste fragile savait exprimer toutes les variations de la lumière autour d'une réalité transfigurée. D'autres Suvres, abstraites, aux teintes pâles sont d'un beau lyrisme. Mais l'artiste, à la fin de sa vie, est revenu, comme dans cette nature morte au coquetier, à une figuration délicate qui s'exprime dans des tonalités pastel.

 

Galerie Etienne de Causans, 25, rue de Seine, VIème.

 

 

 

 

JEAN LOMBARD : Une peinture de la sérénité

 

Le pharmacien de France 1990

 

 

En 1975 j'avais organisé un hommage à Jean Lombard pour commémorer son quatre-vingtième anniversaire. Depuis, l'artiste nous a quittés, mais son Suvre reste. On dirait même qu'elle se magnifie avec le temps. Sortie du secret où elle était tenue, elle fait l'objet d'une exposition rétrospective, accompagnée par l'édition d'un fort beau livre.

 

Ses premières toiles, teintées d'expressionnisme, ont vite fait place à une organisation très architecturée de l'espace. Au lendemain de la guerre, cette même préoccupation se retrouve d'ailleurs chez beaucoup d'autres peintres appartenant sensiblement à la même génération. Cette structuration colorée du paysage est assez typique de l'Ecole de Paris, qu'il s'agisse d'Estève, de Manessier, de Bazaine, d'Ubac ou d'autres.

Mais il ne s'agit pas ici d'un jeu formel purement plastique; l'observation de la nature reste la préoccupation constante de l'artiste. Malgré une apparente non-figuration, parfois, le lien avec le réel n'est jamais rompu, même si les reflets en taches colorées comme des mirages envahissent la surface de la toile.

Car la lumière est bien la préoccupation essentielle de ce peintre attentif au jeu changeant des clartés et des ombres. Peu à peu, la palette s'éclaircit, la manière de peindre se fait plus fluide, les formes se dissolvent, les teintes optent pour des gammes de verts tendres, de gris éteints, de roses, d'ocres et de bleus lavés. Une lueur perce par place, diffuse et tendre comme les souvenirs heureux. Peinture allusive et contemplative, art de la sérénité, du murmure et de la caresse, la peinture de Jean Lombard, comme celle de son vieil ami Léon Zack, nous offre un « complément d'âme ». A côté du tohu bohu médiatico-artistique, il est des êtres du silence: Vuillard, Morandi, Villon ou Szénès furent de ceux-là. Comme ses grands devanciers, Lombard sut merveilleusement dire les lumières diffuses, le frémissement des feuilles, le miroir d'une fenêtre, qui sont autant de poèmes fervents et discrets à la beauté du monde.

 

Paul DUCHEIN