Triomphe de la lumière chez Jean Lombard à
« L'Ril écoute»
Les aquarelles de Cézanne constituent comme les
visiteurs de "exposition consacrée au maître d'Aix au
Grand-Palais, à Paris, peuvent s'en rendre compte, la partie,
peut-être la plus importante de son Suvre. En effet dans les
peintures à l eau de l'hérésiarque de
l'impressionnisme on peut voir les secrètes aspirations de
l artiste décidé à se libérer des
théories, à substituer aux « volumes
essentiels » sauvés de la mobilité de la
lumière « la petite sensation» née de la
communion du peintre avec la nature.
C'est pourquoi on est immédiatement conquis
lorsque l on pénètre à « L'Ril
écoute » 3, quai R.-Rolland, où, face aux peintures
à l'huile de Jean Lombard on découvre, développées,
les propositions de Cézanne. La subtilité du poète s'allie
avec la science de l'artiste pour pénétrer les secrets de l'astre
roi et dire tous les prestiges de l'arc-en-ciel. La force convaincante du murmure,
qualité chère à André Breton, se
révèle et on voit comment, face aux plus simples
prétextes, ceux découverts dans l'atelier parisien de l'avenue
Paul-Appel où face au beau jardin de sa propriété
d'Aix-en-Provence, Jean Lombard surprend les fluctuations de la lumière
et les traduit avec un amour, une intelligence donnant à son Suvre
une qualité différente.
Aussi le grand artiste d'origine lyonnaise doit-il
s'attendre à dérouter les amateurs et à décevoir
les collectionneurs, puisqu'il ne peut se classer au 'sein d'une école,
et encore moins obéir au terrorisme intellectuel d'aujourd'hui.
Il s'agit avant tout de compréhension et
d'amour, de formes et de couleurs dites à voix basse mais suffisamment
sonores pour que leurs présences l'emportent. en puissance, sur les
clameurs immédiates du cri.
Mais ce qui ravit dans l'Suvre de Jean Lombard,
c'est la manière dont l'artiste, en diluant ses pigments, et, en
refusant toute épaisseur - ce qui ne veut pas dire toute
matériologie - arrive à obtenir des tons singuliers et à
restituer les sonorités de la, lumière.
L'ombre, comme chez les impressionnistes et
Cézanne, le maître de Jean Lombard, se révèle
coloriée, sans tenir obligatoirement compte des accords
réservés au complémentaire. On admire de quelle manière
l'artiste, par des touches libres, diverses et multiples découvre des
transparences, des reflets, des contrastes, en un mot de quelle façon il
sait recréer les facteurs essentiels de la vie. En contemplant de plus
près les travaux de ce créateur, en particulier des peintures
majeures comme « l'arbre », « le
fauteuil », «la lampe » ou le « printemps » on
constate, la qualité, du geste propre à Jean Lombard. A cet
instant, comme chez les grands Japonais dont l'artiste atteint la philosophie
sereine et l'écriture souple. on s'aperçoit que notre peintre se
présente comme un des grands calligraphes d'Occident susceptible de
donner à son pinceau le moyen de traduire les pulsions les plus
secrètes de son âme. Au niveau de cette lecture nécessaire
à atteindre les réalisations de l'hôte de Janine Pressy, on
comprend que ce qui compte chez Jean Lombard ce n'est ni la
réalité, ni l'abstraction mais le caractère ineffable des
phénomènes, la secrète et profonde manifestation des
choses qui, derrière les rideaux, ou, en pleine lumière,
possèdent une qualité spécifique seule atteinte par
l'Inspiré.
On constate, à cet instant, comment la forme se
dissout dans la couleur, comment la main trace presque en dansant la forme
courbe du « fauteuil » avec quelle joie la sphère de la
lampe s'écrit aussi bien dans la glace que sur la table de la
cheminée,
Quelques structures verticales se juxtaposent pour
ancrer l'architecture de la toile, et afin de rappeler les paroles de
Cézanne
« à mesure que l'on peint, on dessine », la
vraisemblance des choses s'affirme plus dans l'esprit que dans la
matérialisation éphémère.
René Déroudille